« L’orgueil est la certitude, tout émotive, que nous avons de notre propre grandeur. La vanité est la certitude, tout aussi émotive, que les autres nous reconnaissent, ou nous attribuent, cette même grandeur. Ces deux sentiments ne se conjuguent pas nécessairement, pas plus qu’ils ne s’opposent par nature. Ils sont différents, tout en étant compatibles.
Quand l’orgueil existe seul, sans le complément de la vanité, il produit le même résultat que la timidité : si l’on croit en sa propre grandeur, sans croire pour autant que les autres doivent partager ce jugement, on redoute de confronter l’opinion que l’on a de soi-même avec celle que les autres ont peut-être de vous.
Quand la vanité existe seule, sans le complément de l’orgueil (ce qui est possible, quoique rare), elle produit le même résultat que l’audace. Si l’on est persuadé que les autres croient en votre valeur, on ne redoute rien de leur part. On peut trouver le courage physique sans la vanité ; le courage moral sans la vanité ; mais jamais l’audace sans la vanité. Et par audace, j’entends la confiance que l’on place dans ses propres initiatives. L’audace, en revanche, peut être dépourvue de tout courage, moral ou physique, car ces traits de caractère sont d’un ordre tout différent, et lui sont incommensurables. »
Fernando Pessoa
Le livre de l’intranquilité
Autobiographie sans événements §411.