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This is quite useless » Pratique du « paradoxe du musicien »
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Pratique du « paradoxe du musicien »

Je vais arrêté de fumer aujourd’hui,
à UN CERTAIN MOMENT entre15h et 16h.

Il est 14h37, je me demande pourquoi ce moment n’est pas encore arrivé. C’est comme si ce moment était déjà là, bien qu’évidemment il ne se soit pas encore produit. Je pourrai arrêter tout de suite ? Ne pas attendre ? Le truc c’est que je ne suis pas en train d’attendre. La décision est prise, nul besoin d’y revenir. Je m’expliquerai sur les raisons plus tard, lorsque cela sera opportun. Je compte avec la Fortune.

14h51. C’est drôle, je dois presque me forcer à fumer. D’un côté, j’aimerais pouvoir me dire, « voilà, c’est fait, tu as arrêté de fumer », bien que je trouve cela parfaitement ridicule. Ce n’est pas un moment du temps, c’est un moment dans le temps. Une incise.

Ce MOMENT. Je me souviens de l’origine latine du mot ; en anglais, momentum signifie toujours « élan ». Le moment ouvre un champ, dans lequel l’événement sur-vient. Exercice de soi = tenir ouvert. Le temps.

Dans « L’art chevaleresque du tir à l’arc dans le bouddhisme zen », Herrigel évoque, accrochée sur la feuille d’un arbre, la neige qui s’y est accumulée : à un certain moment elle tombe. Oui elle glisse sur la feuille de l’arbre parce que le poids de l’eau est plus grand que celui de la neige, et parce que la neige fond, elle glisse et tombe. Quand est-ce ?

C’est exactement la même question que pose Deleuze dans son texte « Pour en finir avec le jugement ». ((::::))

C’est encore la même question qu’évoque chez les anciens grecs le terme KAIROS.

15h09. J’ai mis mes paquets de clope et de tabac dans un sac, dans l’intention de les jeter. Je vais m’en fumer une. (J’ai bien l’impression que ce sera la dernière, mais je ne le SAIS pas encore).

Donc, j’étais en train de fumer cette cigarette, lorsque, pensant à Aristote et à Nietzsche, je l’ai écrasée dans le cendrier. J’ai ressenti à la fois du dégoût et une forme bizarre d’appétit. Et je me suis souvenu de ce passage, dans le Zarathoustra, où Nietzsche nous présente la figure du berger endormi : un serpent passe par là, et entre dans sa bouche pendant son sommeil… Zarathoustra l’aperçoit, et de tout son cœur il crie au berger « mords-le, à la tête mords-le ! » Le berger se ressaisit, et mord le serpent à la tête, lui l’arrache, la crache. Et Zarathoustra reste pétrifié, fasciné, saisi à son tour, par le rire qu’alors le berger laisse jaillir de sa gorge. C’est ce MOMENT-là.

15h25. J’ai jeté le paquet de clope avec le reste. Je vais aller manger un truc et prendre une douche. (Note pour plus tard : le paradoxe du musicien d’Aristote, les actes moraux = les actes intentionnels, par différence avec les actes techniques qui n’impliquent pas d’intention + revenir sur le passage de l’in-tension à l’a-tension.)

JE ME RASSEMBLE.
(Et j’ai la dalle !)

(Entre parenthèses, je ne crois pas que j’aurais les idées plus claires après avoir arrêté de fumer, bête image. Je ne crois pas non plus faire cela pour ma santé, il faut bien mourir de quelque chose.)

16h35. À l’instant, je me suis assis devant l’ordinateur, et l’habitude d’allumer une clope m’a fait un clin d’œil. J’ai accumulé un bon nombre d’habitudes liées à la cigarette, bien sûr, et je les dissoudrai une à une, pas besoin de se mettre la pression pour se faire, seulement de les laisser se dissoudre. Chaque fois que je n’allume pas une cigarette, ce n’est pas une habitude de raison que j’essaye de défaire, c’est une habitude d’appétit à laquelle je ne donne tout simplement pas mon support. Et ce n’est même pas qu’à la place je mettrais une autre habitude, de raison celle-là, qui serait de ne pas fumer, parce que ne pas fumer n’est pas une activité qui advient à chaque moment où précédemment j’aurai allumé une cigarette, c’est une activité que chaque cigarette que j’allumais venait contredire de manière momentanée, comme des scories que je laisse maintenant glisser sur moi et se dissoudre.

Le constructivisme, à cet égard, est une manière de parvenir jusqu’à cet état, une méthode de manipulation de l’intention, tout comme le bouddhiste zen utilise des koâns et des coups de bâtons sur la tête de ses disciples, tout comme Socrate utilise la maïeutique, Nietzsche ses aphorismes, Eckart des cheminements de régression spirituelle. Donc le constructivisme n’est pas en soi une pensée intéressante, mais son fonctionnement intéresse l’action. Au final, tout ce que nous cherchons à rejoindre, lorsqu’il s’agit de TRANSFORMATION (et n’est-ce pas là que se situe la lieu critique de tout problème humain ? passer d’un état à un autre), c’est le troisième genre de connaissance de Spinoza, soit le lieu où pensée = action. Parce que c’est là que la décision pensée est une décision en acte.

00h32. Mon cerveau vit le manque de nicotine, l’absence de la dose que je lui procurais chaque jour et chaque heure, et il y a demande, que je ne satisfais pas. Ce qu’on appelle « sensation de manque ». Pas agréable, bizarrement excitant, donne aussi envie de dormir, principalement pour que ça s’arrête un moment, mais aussi parce que c’est fatiguant, ce manque. Le capacité d’attention est bonne, avec quelques pointes d’excellence, due sans doute à l’état d’appétition avancé créé par la privation, mais à d’autres moments, des inattentions.

Mes perceptions sont différentes. Je regarde le monde autour de moi comme un enfant qui se demanderait bien dans quel monde il est tombé. Je me demande pourquoi il y a tous ces objets et ces choses autour de moi, pourquoi elles sont là inanimées ces choses, et pourquoi personne ne fait rien avec elles. Cela se transforme bientôt en : qu’est-ce que je peux faire avec toutes ces choses là autour de moi ? Le bricoleur de Lévi-Strauss, mais je ne vois pas bien le rapport avec la privation de nicotine. Peut-être qu’il n’y en a aucune, si ce n’est que cette exhaustion due à la privation met en relief de manière plus aigüe des complexions qui me sont propres, en fin de compte !

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Le surlendemain, mercredi 28 août 2013, 9h44.

Le set-up mental était juste, et même divinement. Par contre, mon timing avec ma psyché ne l’était pas. Ma motivation principale pour choisir ce jour-là (je ne parle plus du « moment »), était que, en arrêtant de fumer lundi, j’aurais dépassé les trois jours de sensation de manque d’ici au vendredi, lorsque je vais revoir la jeune femme dont je suis amoureux. Elle ne fume pas, et j’aurais voulu la rendre plus attachée à moi par cet acte, sorte de manière de prouver ma valeur et de lui montrer ce que je suis prêt à faire pour elle. Ce faisant, et en regard des circonstances, tant intérieures qu’extérieures, tant au niveau d’un sentiment d’insécurité que je peux ressentir dans la relation, qu’au niveau de ses propres rythmes et perceptions à elle, j’étais en train de me mettre dans une brèche où je m’auto-instrumentalisais en vue d’atteindre à plus de sécurité, en vue d’une certain image du « couple », de laquelle je devenais davantage le serviteur que le partenaire. Je me mettais une pression de plus, là où je ressens déjà celle de ma propre insécurité, et ne faisait rien pour m’accepter tel que je suis en face d’elle. Or c’est précisément là ce qui compte pour moi en premier lieu : être en sincérité dans cette relation, et ne pas y créer de pression qui pourraient tordre le devenir de notre relation. J’ai donc recommencer de fumer hier après-midi. Et me relancerai dans l’opération aussitôt que les circonstances élémentaires d’un tel geste se feront jour.