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This is quite useless » Idéologie et appareil idéologique d’Etat
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Idéologie et appareil idéologique d’Etat

Extrait du texte de Louis Althusser,
« Idéologie et appareil idéologique d’Etat », 1970.

Texte intégral disponible ici.

(…)

Mais allons à l’essentiel. Ce qui distingue les AIE de l’Appareil (répressif) d’État, c’est la différence fondamentale suivante : l’Appareil répressif d’État « fonctionne à la violence », alors que les Appareils idéologiques d’État fonctionnent « à l’idéologie ».

Nous pouvons préciser, en rectifiant cette distinction. Nous dirons en effet que tout Appareil d’État, qu’il soit répressif ou idéologique, « fonctionne » à fois à la violence et à l’idéologie, mais avec une différence très. importante, qui interdit de confondre les Appareils idéologiques d’État avec l’Appareil (répressif) d’État.

C’est que pour son compte l’Appareil (répressif) d’État fonctionne de façon massivement prévalente à la répression (y compris physique), tout en fonctionnant secondairement à l’idéologie. (Il n’existe pas d’appareil purement répressif). Exemples : l’Armée et la Police fonctionnent aussi à l’idéologie, à la fois pour assurer leur Propre cohésion et reproduction, et par les « valeurs » qu’elles proposent au dehors.

De la même manière, mais à l’inverse, on doit dire que, pour leur propre compte, les Appareils idéologiques d’État fonctionnent de façon massivement prévalente à l’idéologie, mais tout en fonctionnant secondairement à la répression, fût-elle à la limite, mais à la limite seulement, très atténuée, dissimulée, voire symbolique. (Il n’existe pas d’appareil purement idéologique.) Ainsi l’École et les Églises « dressent » par des méthodes appropriées de sanctions, d’exclusions, de sélection, etc., non seulement leurs officiants, mais aussi leurs ouailles. Ainsi la Famille… Ainsi l’Appareil IE culturel (la censure, pour ne mentionner qu’elle), etc.

Est-il utile de mentionner que cette détermination du double « fonction­nement » (de façon prévalente, de façon secondaire) à la répression et à l’idéologie, selon qu’il s’agit de l’Appareil (répressif) d’État ou des Appareils idéologiques d’État, permet de comprendre qu’il se tisse constamment de très subtiles combinaisons explicites ou tacites entre le jeu de l’Appareil (répressif) d’État et le jeu des Appareils idéologiques d’État ? La vie quotidienne nous en offre d’innombrables exemples, qu’il faudra toutefois étudier dans le détail pour dépasser cette simple observation.

Cette remarque nous met pourtant sur la voie de comprendre ce qui constitue l’unité du corps apparemment disparate des AIE. Si les AIE « fonctionnent » de façon massivement prévalente à l’idéologie, ce qui unifie leur diversité, c’est ce fonctionnement même, dans la mesure où l’idéologie à laquelle ils fonctionnent est toujours en fait unifiée, malgré sa diversité et ses. contradictions, sous l’idéologie dominante, qui est celle de « la classe dominante ». Si nous voulons bien considérer que dans le principe la « classe dominante détient le pouvoir d’État (sous une forme franche, ou le plus souvent, par le moyen d’alliances de classes ou de fractions de classes), et dispose donc de l’Appareil (répressif) d’État, nous pourrons admettre que la même classe dominante soit active dans les Appareils idéologiques d’État dans la mesure où c’est, en définitive, au travers de ses contradictions mêmes, l’idéologie dominante qui est réalisée dans les Appareils idéologiques d’État. Bien entendu c’est tout autre chose que d’agir par lois et décrets dans l’Appareil (répressif) d’État, et que « d’agir » par l’intermédiaire de l’idéologie dominante dans les Appareils idéologiques d’État. Il faudra entrer dans le détail de cette différence, – mais elle ne saurait masquer la réalité d’une profonde identité. À notre connaissance, aucune classe ne peut durablement détenir le pouvoir d’État sans exercer en même temps son hégémonie sur et dans les Appareils idéologiques d’État. Je n’en veux qu’un seul exemple et preuve : le souci lancinant de Lénine de révolutionner l’Appareil idéologique d’État scolaire (entre autres) pour permettre au prolétariat soviétique, qui s’était emparé du pouvoir d’État, d’assurer tout simplement l’avenir de la dictature du prolétariat, et le passage au socialisme.

Cette dernière remarque nous met en mesure de comprendre que les Appareils idéologiques d’État puissent être non seulement l’enjeu, mais aussi le lieu de la lutte des classes, et souvent de formes acharnées de la lutte des classes. La classe (ou l’alliance de classes) au pouvoir ne fait pas aussi facilement la loi dans les AIE que dans l’appareil (répressif) d’État, non seulement parce que les anciennes classes dominantes peuvent y conserver longtemps de fortes positions, mais aussi parce que la résistance des classes exploitées peut trouver le moyen et l’occasion de s’y exprimer, soit en utilisant les contradictions qui y existent, soit en y conquérant par la lutte des positions de combat.

Faisons le point de nos remarques.

Si la thèse que nous avons proposée est fondée, nous sommes conduit à reprendre, tout en la précisant sur un point, la théorie marxiste classique de l’État. Nous dirons qu’il faut distinguer le pouvoir d’État (et sa détention par…) d’une part, et l’Appareil d’État d’autre part. Mais nous ajouterons que l’Appareil d’État comprend deux corps : le corps des institutions qui représentent l’Appareil répressif d’État d’une part, et le corps des institutions qui représentent le corps des Appareils idéologiques d’État d’autre part.

Mais s’il en est ainsi, on ne peut manquer de se poser la question suivante, même en l’état, très sommaire, de nos indications : quelle est exactement la mesure du rôle des Appareils idéologiques d’État ? Quel peut bien être le fondement de leur importance ? En d’autres termes : à quoi correspond la « fonction » de ces Appareils idéologiques d’État, qui ne fonctionnent pas à la répression, mais à l’idéologie ?

SUR LA REPRODUCTION
DES RAPPORTS DE PRODUCTION

Nous pouvons alors répondre à notre question centrale, restée pendant de longues pages en suspens : comment est assurée la reproduction des rapports de production ?

Dans le langage de la topique (Infrastructure – Superstructure) nous dirons : elle est, pour une grande part, assurée par la superstructure, juridique, politique et idéologique.

Mais puisque nous avons considéré comme indispensable de dépasser ce langage encore descriptif, nous dirons : elle est, pour une grande part, assurée par l’exercice du pouvoir d’État dans les Appareils d’État, l’Appareil (répressif) d’État d’une part, et les Appareils idéologiques d’État d’autre part.

On voudra bien tenir compte de ce qui a été dit précédemment, et que nous rassemblons maintenant sous les trois traits suivants :

1. Tous les Appareils d’État fonctionnent à la fois à la répression et à l’idéologie, avec cette différence que l’Appareil (répressif) d’État fonctionne de façon massivement prévalente à la répression, alors que les Appareils Idéologiques d’État fonctionnent de façon massivement prévalente à l’idéologie.

2. Alors que l’Appareil (répressif) d’État constitue un tout organisé dont les différents membres sont centralisés sous une unité de commandement, celle de la politique de lutte des classes appliquée par les représentants politiques des classes dominantes qui détiennent le pouvoir d’État, – les Appareils Idéologiques d’État sont multiples, distincts, « relativement autonomes » et susceptibles d’offrir un champ objectif à des contradictions exprimant, sous des formes tantôt limitées et tantôt extrêmes, les effets des chocs entre la lutte des classes capitaliste et la lutte des classes prolétarienne, ainsi que leurs formes subordonnées.

3. Alors que l’unité de l’Appareil (répressif) d’État est assurée par son organisation centralisée unifiée sous la direction des représentants des classes au pouvoir, exécutant la politique de lutte des classes des classes au pouvoir, – l’unité entre les différents Appareils Idéologiques d’État est assurée, le plus souvent dans des formes contradictoires, par l’idéologie dominante, celle de la classe dominante.

Si on veut bien tenir compte de ces caractéristiques, on peut alors se représenter la reproduction des rapports de production de la manière suivante, selon une sorte de « division du travail ».

Le rôle de l’appareil répressif d’État consiste essentiellement, en tant qu’appareil répressif à assurer par la force (physique ou non) les conditions politiques de la reproduction des rapports de production qui sont en dernier ressort des rapports d’exploitation. Non seulement l’appareil d’État contribue pour une très grande part à se reproduire lui-même (il existe dans l’État capitaliste des dynasties d’hommes politiques, des dynasties militaires, etc.), mais aussi, et surtout, l’appareil d’État assure par la répression (depuis la force physique la plus brutale jusqu’aux simples ordres et interdits administratifs, à la censure ouverte ou tacite, etc.), les conditions politiques de l’exercice des Appareils Idéologiques d’État.

Ce sont eux en effet qui assurent, pour une grande part, la reproduction même des rapports de production, sous le « bouclier » de l’appareil répressif d’État. C’est ici que joue massivement le rôle de l’idéologie dominante, celle de la classe dominante, qui détient le pouvoir d’État. C’est par l’intermédiaire de l’idéologie dominante, qu’est assurée l’« harmonie » (parfois grinçante) entre l’appareil répressif d’État et les Appareils Idéologiques d’État, et entre les différents Appareils Idéologiques d’État.

(…)