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This is quite useless » Lâcheté, kitsch et « sensibilité »
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Lâcheté, kitsch et « sensibilité »

« Tomas comprit une chose étrange. Tout le monde lui souriait, tout le monde souhaitait qu’il rédigeât sa rétractation, en se rétractant il aurait fait plaisir à tout le monde. Les uns se réjouissaient parce que l’inflation de lâcheté banalisait leur propre conduite et leur rendait l’honneur perdu. Les autres s’étaient accoutumés à voir dans leur honneur un privilège particulier auquel ils ne voulaient pas renoncer. Aussi nourrissaient-ils envers les lâches un amour secret. Sans eux leur courage n’aurait été qu’un effort banal et vain que personne n’eût admiré. »

Le courage, l’individu ne le montre pas. Le courage est d’intériorité, parce qu’il est rapport à soi-même et non aux autres. Il éclaire. Rien ne lui fait de l’ombre.

« Il s’ensuit que l’accord catégorique avec l’être a pour idéal esthétique un monde où la merde est niée et où chacun se comporte comme si elle n’existait pas. Cet idéal esthétique s’appelle le kitsch. »

J’entends « c’est comme ça », j’entends « c’est la vie », et je suis de révolte et de glaive. Suicide tautologique. L’accord catégorique avec l’être, c’est, comme le disait Artaud, consentir à manger la merde. Pourquoi ? Pour avoir un monde uniforme, rassurant, fait d’habitudes et d’inertie, de patterns, dans lequel il n’y a plus qu’à désirer, sans se demander ni quoi ni pour quoi. La publicité, la prétendue « culture », la petite politique, l’hypocrisie, l’aveuglement de masse. Artaud veut quitter cet « infime dedans ». En fait il l’a déjà quitté : il est (dans) « l’infini dehors ». C’est une attitude qui exige d’un choix intérieur, absolu et définitif.

« Le sénateur n’avait qu’un argument en faveur de son affirmation : sa sensibilité. Lorsque le cœur a parlé, il n’est pas convenable que la raison élève des objections. Au royaume du kitsch s’exerce la dictature du cœur.
Il faut évidemment que les sentiments suscités par le kitsch puissent être partagés par le plus grand nombre. Aussi le kitsch n’a-t-il que faire de l’insolite ; il fait appel à des images clés, profondément ancrées dans la mémoire des hommes : la fille ingrate, la père abandonné, des gosses courant sur une pelouse, la patrie trahie, le souvenir du premier amour.
Le kitsch fait naître coup sur coup deux larmes d’émotion. La première larme dit : Comme c’est beau, des gosses courant sur une pelouse !
La deuxième larme dit : Comme c’est beau d’être ému avec toute l’humanité à la vue de gosses courant sur une pelouse !
Seule cette deuxième larme fait que le kitsch est le kitsch.
La fraternité de tous les hommes ne pourra jamais avoir d’autre base que le kitsch. »

Il ne s’agit pas d’un cœur au sens animique, mais du cœur kitsch, un cœur qui n’est plus le propre cœur mais le cœur de tout le monde. Ce « tout le monde », ne signifie pas « chaque individu vivant sur cette planète » ; signifie tout ce qui n’est pas individualité. L’individu, qui a une âme, n’a pas de cœur. La sensibilité de l’individu ne tourne jamais en sensibilisme, parce que son âme n’est pas tout le monde, son âme c’est lui. Et son âme sent d’une manière qui n’appartient qu’à elle. Elle n’est pas le cœur qui réagit aux stimuli extérieurs et se moule sur les réactions des autres ; elle est active, autant dans la réception et la destruction, que dans l’action et les formes de l’action.

« Il n’était pas du tout sûr de bien agir, mais il était sûr d’agir comme il le voulait. »

Milan Kundera,
extraits de L’insoutenable légèreté de l’être.