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This is quite useless » Cthulhu geometry
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Cthulhu geometry

Extraits de l’œuvre de H.P. Lovecraft.

Le bas-relief, grossier rectangle de quarante centimètres carrés et de deux centimètres d’épaisseur, était nettement moderne. Néanmoins, ses dessins n’avaient rien de moderne dans leur atmosphère ni dans les idées qu’ils suggéraient. En effet, si nombreuses, si extravagantes que soient les fantaisies du cubisme et du futurisme, elles reproduisent très rarement la régularité de l’écriture préhistorique ; or, la majeure partie de ces dessins constituait certainement une écriture mystérieuse. Malgré ma connaissance des papiers et des collections de mon oncle, ma mémoire ne put l’identifier ni me permettre de la rattacher à aucun dialecte.

Au-dessus de ces hiéroglyphes se dressait une figure d’une facture si impressionniste que l’on ne pouvait comprendre clairement ce qu’elle représentait. C’était une espèce de monstre, ou de symbole d’un monstre, que seule une imagination morbide avait pu concevoir. Je ne trahirai certainement pas l’inspiration du sculpteur en disant que son œuvre évoquait tout à la fois une pieuvre, un dragon et caricature humaine. Une tête pulpeuse entourée de tentacules surmontait un corps écailleux et grotesque muni d’ailes rudimentaires ; mais c’était le contour général de cette effigie qui la rendait particulièrement effroyable.

Derrière la figure, l’artiste avait ébauché un fond d’architecture cyclopéenne.

(…)

« En vérité, dit-il, ce bas-relief et neuf, car je l’ai fait moi-même la nuit dernière dans douze cités différentes ; et les rêves sont beaucoup plus anciens que Tyr la méditative, le Sphynx contemplatif, ou Babylone aux mille jardins. »

Après quoi, il entama le récit décousu qui éveilla un souvenir endormi dans la mémoire de mon oncle et suscita en lui un fébrile intérêt. La nuit précédente, il y a avait eu un léger tremblement de terre qui avait fortement affecté l’imagination de Wilcox. Au cours de son sommeil, il avait vu en rêve, pour la première fois de sa vie, des cités cyclopéennes faites de blocs et de monolithes gigantesques enduits d’un limon verdâtre, d’où s’exhalait une perpétuelle horreur. Les murs et les colonnes étaient couverts d’hiéroglyphes, et le jeune homme avait entendu retentir sous terre une voix qui n’était pas une voix mais plutôt une sensation confuse que seule l’imagination pouvait transformer en son, et qu’il essaya de rendre par cet assemblage de lettres quasi imprononçable : Cthulhu fhtagn.

(…)

L’idole, que les savants se passèrent de main en main pour l’examiner minutieusement, mesurait de dix-sept à vingt centimètres de haut et était d’une facture exquise. Elle représentait un monstre vaguement anthropoïde dans ses contours ; mais la tête n’était qu’une masse de tentacules, le corps évoquait celui d’un phoque, les quatre membres étaient munis de griffes formidables, et deux longues ailes minces s’ouvraient sur son dos. Cette créature assez corpulente, empreinte, semblait-il, d’une horrible malignité, se trouvait accroupie sur un piédestal rectangulaire couvert de caractères indéchiffrables. Le bout des ailes touchait l’arête postérieure du bloc, tandis que les longues griffes courbes des pattes pliées agrippaient l’arête antérieure et descendaient jusqu’au quart de la hauteur du piédestal. La tête de céphalopode était baissée, de sorte que les tentacules faciaux effleuraient le dessus des énormes pattes de devant qui étreignaient les genoux relevés. L’ensemble donnait une impression de vie anormale, d’autant plus terrifiante que la statuette était d’une origine absolument inconnue. On ne pouvait douter qu’elle remontât à la plus haute antiquité ; cependant elle n’offrait pas la moindre caractéristique permettant de la rattacher à un type d’art quelconque appartenant au début de la civilisation humaine ou à toute autre époque.

La matière dont elle était faite constituait un mystère à elle seule : cette pierre savonneuse, d’un noir verdâtre strié d’or, ne ressemblait à rien de connu dans le domaine de la géologie ou de la minéralogie. Les caractères gravés sur le piédestal étaient également déconcertants ; les membres du congrès, qui constituaient pourtant la moitié des autorités mondiales en matière linguistique, ne purent les apparenter à aucun idiome. Tout comme le sujet de l’œuvre et la nature de la pierre, ils appartenaient à un univers affreusement éloigné, totalement différent du nôtre, à d’antiques cycles de vie impies où nos conceptions ne tenaient aucune place.

(…)

Mais ce qui semblait aujourd’hui le plus important, c’était le fétiche adoré par les sectateurs de ce culte qui dansaient autour de lui quand l’aurore boréale jetait très haut ses feux au-dessus des falaises de glace. C’était un grossier bas-relief représentant une image hideuse au-dessus d’hiéroglyphes mystérieux.

(…)

Dans sa demeure de R’lyeh, la ville morte,
Cthulhu attend, plongé dans ses rêves.

(…)

Dans une clairière naturelle s’étendait un îlot herbu de quarante ares environ, assez sec et entièrement dépourvu d’arbres. Là bondissait et se démenait une horde monstrueuse d’êtres humains semblables aux personnages peints par Sime ou Angarola. Complètement nues, ces créatures hybrides braillaient, beuglaient et se convulsaient autour d’un feu de joie disposé en rond, au centre duquel on pouvait distinguer, à travers le rideau des flammes, un grand monolithe granitique haut de vingt-cinq mètres, surmonté de la funeste statuette. Un vaste cercle de dix échafauds régulièrement espacés, ayant le monolithe pour centre, entourait le brasier. On y voyait, pendus la tête en bas, les corps étrangement mutilés des squatters disparus. C’était à l’intérieur de ce cercle que les adorateurs bondissaient en hurlant, se déplaçant de gauche à droite en une bacchanale interminable entre les cadavres et le feu.

(…)

Bientôt, ils aperçoivent une haute colonne de pierre émergeant au-dessus des flots : par 49°7′ de lattitude sud et 120°43′ de longitude ouest, ils arrivent à un littoral boueux couvert de blocs de maçonnerie cyclopéenne tapissés d’algues, qui ne peuvent être que la substance tangible de la suprême terreur de notre univers, la ville morte de R’lyeh, bâtie des millions d’années avant le début de notre histoire par les immondes créatures venues d’antiques planètes… Oui, c’est là que gisaient le grand Cthulhu et ses hordes, au fond de leurs humides caveaux, d’où ils diffusaient enfin, au terme de cycles incalculables, les pensées qui hantaient les rêves de certains hommes et enjoignaient aux fidèles d’entreprendre un pèlerinage libérateur. Johansen ne soupçonnait rien de tout cela, mais Dieu sait qu’il le vit bien assez tôt !

Je suppose que seule avait dû émerger des eaux la hideuse citadelle couronnée d’un monolithe démesuré, où était enseveli le grand Cthulhu. Quand je songe à l’étendue de tout ce qui peut s’embusquer au fond de l’océan, il me prend des envies de me donner la mort sans plus attendre. Johansen et ses hommes éprouvèrent une stupeur effarée à la vue de cette Babylone bâtie par des démons. Ils durent comprendre instinctivement qu’elle n’appartenait pas à notre monde en contemplant ces blocs de pierre verte d’une taille incroyable, ce monolithe d’une hauteur vertigineuse, ces statues et ces bas-reliefs si exactement semblables à l’étrange idole trouvée dans la cabine de l’Alert.

Sans rien connaître du futurisme, le Norvégien parle de cette cité en termes nettement futuristes. En effet, au lieu de décrire des bâtiments ou des constructions déterminées, il insiste curieusement sur de vastes angles et d’immenses surfaces de pierre couvertes d’hiéroglyphes et d’images impies. J’insiste sur le fait qu’il mentionne des angles, car cela me rappelle le récit de Wilcox. Le jeune sculpteur m’avait dit que la géométrie de la ville de ses rêves était entièrement anormale, non euclidienne, et faisait beaucoup penser à la sphère. Or, voilà qu’un matelot inculte avait eu la même impression en contemplant la terrible réalité.

Johanson et ses compagnons, ayant débarqué sur cette monstrueuse acropole, gravirent en glissant des blocs couverts de limon constituant un escalier que nul être humain n’aurait su édifier. Le soleil même semblait déformé quand on le regardait à travers les miasmes polarisateurs émanant de cette perversion sous-marine ; une menace tortueuse semblait tapie dans ces angles déconcertants où un second coup d’oeil révélait une surface concave alors que le premier avait montré une surface convexe.

(…)

Quelques instants plus tard, les huit hommes contemplaient une immense porte sculptée portant le bas-relief familier de l’idole à tête de pieuvre. Tous comprirent qu’il s’agissait d’une porte, car le vaste panneau était encadré par un linteau, un seuil et des montants ; mais ils ne purent décider si elle était posée à plat comme une trappe ou de biais comme la porte extérieure d’une cave. Pour reprendre les termes de Wilcox, la géométrie était anormale : on ne savait trop si la mer et le sol étaient horizontaux, de sorte que la position relative de tout le reste paraissait fantastiquement variable.

Briden pressa sur la pierre en plusieurs endroits sans résultat. Puis Donovan en palpa délicatement le pourtour en appuyant sur chaque point séparément. Il grimpa sans se lasser le long de la grotesque moulure (j’emploie le mot grimper en admettant que cet objet ne fût pas horizontal), et les hommes s’émerveillèrent de ce qu’il pût y avoir une porte si vaste dans notre monde. A la fin, très doucement, très lentement, le haut de l’immense panneau céda vers l’intérieur.

Donovan se laissa glisser le long d’un des jambages pour rejoindre ses compagnons, puis tous regardèrent le bizarre affaissement du monstrueux portail. Dans ce fantastique univers de déformation prismatique, il se déplaçait anormalement en diagonale, au mépris de toutes les lois de la matière et de la perspective.

L’ouverture révéla des ténèbres presque concrète. Cette obscurité était vraiment une qualité positive, car elle cachait certaines parties des parois intérieures qui auraient dû être visibles. En fait, elle se déversait au dehors comme une fumée, obscurcissant le soleil pendant qu’elle s’élevait furtivement sur ses ailes membraneuses dans le ciel soudain rétréci. Du fond de ce puits noir montait une puanteur intolérable, et, bientôt, Hawkins, qui avait l’ouïe fine, crut percevoir une espèce d’immonde clapotis. Tous les matelots tendirent l’oreille. Ils écoutaient encore lorsque le monstre apparu et, pressant son énorme masse verte gélatineuse à travers l’ouverture, fit pesamment irruption dans l’air corrompu de cette cité démentielle.