JULIUS EVOLA


Ecrits de UR & KRUR

 

 

Table des matières:

•  Introduction de Gérard Boulanger

•  Note de l'éditeur

•  Aux lecteurs (le problème du Moi, la science du Moi, nos directives)

•  Comment nous posons le problème de la connaissance

•  Comment nous posons le problème de l'immortalité

•  Sur la conception magique de la vie

•  La doctrine du “corps immortel”

 

 

La doctrine du "corps immortel"

 

A l'enseignement traditionnel concernant l'immortalité correspond la doctrine du « triple corps » — ou, plus simplement, du corps immortel — sur laquelle nous allons nous arrêter brièvement.

Précisons immédiatement que le terme « corps » est employé ici d'une façon analogique pour désigner de nouvelles formes de conscience et d'action que le Moi peut faire siennes, en vertu de possibilités qui, toutefois, dépassent le commun des mortels. De sorte que la doctrine en question — comme toute doctrine ésotérique — ne peut être considérée comme vraie que dans le cadre propre à l'aristocratie restreinte de ceux qui sont parvenus à fouler le sentier de l'initiation. En parler à propos de l'homme ordinaire n'aurait aucun sens : pour lui n'existent ni les trois, ni les sept, ni les neuf corps — pour lui n'existe tout simplement que son propre état humain de conscience conditionné par sa relation réciproque avec l'organisme physique, et c'est tout.

Ajoutons que si l'homme peut voir, palper, décrire cet organisme, s'il éprouve par son intermédiaire sensations et réactions — en fait, il n'en connaît pratiquement rien (au sens de ce que nous, nous entendons par « connaître »). De même que lui échappe le pouvoir qui fait qu'à son ordre les bras se meuvent, de même lui échappe celui grâce auquel son cœur bat. De sorte que, pour lui, en effet, le corps est vraiment une inconnue, une mystérieuse entité avec laquelle, mystérieusement aussi, il se réveille et à la laquelle il est lié.

Mais celui qui, au contraire, trouverait la voir lui permettant de résoudre ce mystère grâce à la lumière et grâce à la puissance du Moi — celui-là parviendrait du même coup à la « connaissance » des différents corps évoqués par l'occultisme. Lesquels, nous pouvons le dire dès maintenant, ne sont pas d'autres corps mais plutôt d'autres modes de vie pour ce que l'on entend communément par « corps ».

Nous avons déjà vu (« UR » n° 5) que la vie après la mort a pour condition de parvenir à la capacité de maintenir la conscience, une fois celle-ci privée de l'appui du corps physique. Celui qui a atteint ce sommet est, virtuellement, « hors des eaux » et le fait que l'unité de l'organisme physique se défasse n'a plus pour lui d'importance — à ce propos, on a également évoqué la possibilité de « partir pour ne plus revenir ». L'affirmation de l' existence (ego sum) est alors ressentie comme une entrave, comme une négation de l' être . Cette voie consiste donc à se défaire de tous les déterminismes, réels et possibles, de dépouillement en dépouillement, de mise à nu en mise à nu, jusqu'à ce que — une fois tombée l'enveloppe par une intégration absolue à l' « ipséité » — le « sum » se dissolve et se résolve dans l' « est ». Ici, nous sommes à la cime de l' « Identité suprême », de la « fixation » des Upanishad , du nirvâna bouddhique, de l' « Un » plotinien : « Vide comme un vase dans le ciel — plein comme un vase dans l'océan », dit-on dans le Hatha-Yoga .

Il y a également, par ailleurs, la possibilité magique , de celui qui, au contraire, veut l'affirmation. Une fois libéré, le principe retourne alors parmi ce dont il s'est affranchi à l'état de puissance. L'ensemble des éléments et des processus qui, jusque là, m'apparaissaient comme simplement donnés , ayant un caractère de nécessité, d'indépendance et d'extériorité vis-à-vis de la conscience ordinaire — doit dorénavant s'organiser en fonction de mes possibilités, en des symboles de mes pouvoirs. Une fois qu'une chose est réduite en mon pouvoir, je deviens libre vis-à-vis d'elle : je m'en « purifie », elle n'a plus d'existence propre, si ce n'est comme symbole, illusion. Tel est le second processus, magique, de dissolution et de résolution, dont le principe n'est plus l' « identité » mais la possibilité — c'est-à-dire la capacité active, libre et inconditionnée de se transformer en tel ou tel « pouvoir ».

Au départ, ce processus s'applique à la nature humaine elle-même, au « cadavre », puis à travers elle, compte tenu des relations essentielles entre le macrocosme et le microcosme, aux hiérarchies qui régissent les divers éléments de la nature en général.

A cet égard il faut être pleinement conscient du fait que, chez la plupart des hommes, l' individualité n'est qu'une pure fiction, que leur propre unité est aussi fictive et précaire qu'un simple agrégat de forces et d'influences qu'en aucun cas ils ne peuvent considérer comme leurs . Abraxa , dans « UR », n° 1, a fait allusion à ceci d'une façon suggestive : jadis le Bouddha ( Majjihimanikâya , XXXV) faisait remarquer que lorsque l'on dit « Le corps est mien », cela n'avait de sens que dans la mesure où l'on pouvait mettre effectivement à exécution ce désir : « Voilà comment doit être mon corps et voici comment il ne doit pas être ».

Les forces dont l'homme dépend sont d'abord d'ordre psychique et ensuite d'ordre naturel. Aux premières se réfère tout ce qui est du domaine des sentiments, des passions, des croyances, des affections naturelles, des traditions, des liens du sang, etc. C'est ainsi que l'homme ordinaire ne devrait jamais dire « J'aime » mais « L'amour aime en moi ». De même que le feu se manifeste dans chacune de ses flammes quand les conditions nécessaires sont réunies — de même l'amour (ou plutôt l' être de l'amour) se manifeste-t-il, par l'intermédiaire de chaque homme qui aime, comme quelque chose qui le transcende et le transporte, mais vis-à-vis duquel celui-ci demeure passif. On pourrait en dire autant de la haine, de la peur, de la pitié, etc. Mais allons plus loin : n'importe quelle nation, religion ou institution traditionnelle possède son propre « être » — et les réactions instinctives et profondes soulevées par une insulte à la patrie, à la foi ou à la morale sont celles de tels « êtres » — et non pas du tout, comme on le croit habituellement, des réactions individuelles propres à un Moi distinct et autonome. Précisons d'ailleurs en passant que c'est justement l'importance de telles réactions chez le Moi qui donne la mesure exacte de son esclavage et de son inconsistance.

Le degré d'individualité, lorsque l'on descend dans les profondeurs de l'être organique — systèmes sanguins, endocrinien, nerveux, ou bien sommeil, faim, etc. — devient encore plus insignifiant, si toutefois s'est possible. Tout cela, chez les individus, exprime un élément transcendant et collectif dont il est trop évident que le Moi particulier n'en est pas le principe actif et directeur. S'appuyant sur lui, le Moi n' est pas, il n'en est pas le maître. C'est ainsi que sa propre vie individuelle n'est qu'un mirage fugitif, qui ne perdure que tant que ne se rompt pas l'équilibre purement contingent qui donne une stabilité, une unité toute relative à son être psychophysiologique, tant que les diverses forces ne se sont par résorbées dans les « êtres » dont elles émanent respectivement. Lesquels, par conséquent, ne se trouvent pas Dieu sait où : sur la terre ou sous la terre ; mais qui sont là présents dans les actions, dans les passions, dans les organes eux-mêmes des hommes. Tout porte leur empreinte, tout subit invisiblement leur influence, en cet état d'étourdissement et d'absence auquel les hommes donnent le nom de « vie ».

C'est pourquoi celui qui veut commencer à vivre vraiment doit d'abord mourir , en extraire une vie individualisée, une vie qui soit par elle-même, et non pas cet enchevêtrement d'influences et d'interdépendances. L'homme est immortel dans la mesure où il se révèle capable de mener une vie autonome. La « mort initiatique » dont on a parlé constitue la première étape de l' individualité et confère ainsi une première garantie, limitée au pur principe du Moi, d'immortalité. Mais si l'immortalité ne doit pas être uniquement la prolongation de la pure conscience, si au contraire cette conscience doit s'articuler en formes d'action et d'expressions propres au niveau qui est le sien, et puisque les formes corporelles sont inhérentes à la conscience des mortels — il faut dans ces conditions que la qualité individuelle que celle-ci possède s'étende également aux divers éléments et vertus constitutives de l'agrégat humain, pour les faire siens, pour les tenir sous une forme qui porte précisément le sceau de l'individualité. C'est cela le corps magique ou corps de résurrection . Il s'agit en effet de recréer son propre corps, de reparcourir totalement le processus mystique et obscur au long duquel il fut constitué — pour être ensuite prêté, comme une dépouille caduque et mortelle, au Moi. Il s'agit de le reparcourir, mais au nom du principe qui a vaincu la mort et qui est, par lui-même. Les étapes successives de ce processus sont les mêmes que les diverses épreuves et étapes de l'initiation — dans la mesure où celles-ci sont le résultat de rapports établis avec les divers êtres, d'abord psychiques et ensuite naturels (dieux) qui règnent en maîtres sur les êtres humains et agissent au travers de leur corps et de leur esprit. C'est sur ces êtres que le mage doit, dans ce domaine opératif, réaffirmer sa propre autonomie — et même plier sous sa loi les forces qui attestaient la présence de ces êtres à l'intérieur de son organisme. La « parure de Gloire » ou « corps immortel » des traditions gnostiques, en remplaçant « la guenille d'esclavage », serait l'ultime consécration de celui qui, après avoir traversé victorieusement cette série d'épreuves, s'émanciperait ainsi totalement de la sphère du « Destin » et de la domination des « régents » ou « Archontes ».

Le corps immortel est donc avant tout un corps simple , non composé, dans la mesure où est également « simple » la substance du Moi qui l'habite, qui l'imprègne et qui s'est substituée à la multitude, fréquemment antagoniste, des forces collectives dominantes.

On pourrait dire qu' il est fait de conscience et de puissance, et non plus de matière. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que pour nous la matière n'est pas un principe distinct, coexistant à l'exprit, mais qu'elle est elle-même une forme, ou un état, selon laquelle l' unique réalité qu'est l'esprit s'éprouve elle-même. La matière est tout simplement ce qu'il y a d'inerte, de passif et d'inconscient dans l'esprit : en tant que telle, elle peut toujours être « résolue » ou « réduite », comme c'est précisément le cas avec le « corps magique ». Une analogie nous aidera à mieux comprendre : que l'on pense à ce qui se passe avec ce qu'on appelle les « réflexes idéo-moteurs » : si, lorsqu'on est en état de totale relaxation, on fixe mentalement avec intensité l'image de son propre bras levé, on s'aperçoit tout à coup qu'il est effectivement levé, sans que pour autant on ait fait appel au système nerveux — par l'effet, au contraire, d'un pouvoir direct suscité par l'image elle-même. On devrait pouvoir réussir à concevoir quelque chose de semblable pour l'ensemble du corps  : à savoir que tout le corps, dans ses fibres les plus intimes, dans l'ensemble de ses organes, fonctions et mouvements, serait pris en charge par l'esprit à travesr une une image absolue, vertigineuse, illuminante, totale. Le corps, à ce moment-là, n'existerait plus en tant que corps : son substrat, sa base seraient uniquement sa propre image magique, il s'agirait alors d'un corps conçu, mû et vivifié par l'esprit. Les organes se résoudraient en symboles, en idées formatrices — qui sont comme les « signatures » astrales, les noms des êtres auxquels ils correspondent. C'est d'ailleurs pourquoi on donne en Orient au « corps immortel » le nom de mnomayakâya (« corps fait de mental ») ou encore celui de mâyâvî-rûpa (« forme apparent ») notion que l'on retrouve dans le docétisme chrétien.

Et la raison en est claire : arrivé à ce stade, en fait, c'est le corps qui vient s'appuyer sur le Moi — et non plus le Moi sur le corps. Si le Moi, un seul instant, pouvait s'évanouir, le corps s'écroulerait dans le néant : le Moi à ce moment le prend sur lui et, par la puissance de son mental, en soutient et en commande tout le poids, ainsi qu'il arrive pour la conscience ordinaire à propos d'une quelconque pensée. En supprimer l'image, cesser de le penser, reviendrait donc à le faire disparaître (dans le Taoïsme, cette opération porte le nom de s'i-kiai ).

Dans ce même numéro, il est également question du symbolisme du « sel » qui, alchimiquement, correspond au corps. Le sel est ce qui est fixe , c'est l'élément de base, la vertu de ce qui résiste au « Feu » et que l'on ne peut modifier. Prison du Soufre dormant, son « réveil » produit une « vertu » qui réagit sur lui et peut le réduire, le résoudre en volatil — c'est-à-dire en un mode d'être qui possède en propre les caractéristiques de libération et de transformation de l'air. On retrouve cette idée chez les gnostiques, chez qui la « Parure de Gloire » correspondait au « corps de liberté », ou dans le bouddhisme mahâyânique avec le nirmânakâya , que l'on peut précisément traduire par « corps de transformation ». En d'autres termes, le corps régénéré est davantage qu'un corps, c'est un pouvoir ou plus exactement un corps à l'état de pouvoir  : et ceci coïncide avec la libre possibilité de se manifester à travers un corps , non pas forcément dans celui-ci plutôt que dans celui-là. Tout comme la faculté de parler est mienne dans la mesure où je peux la modeler et en user comme je le veux — ou bien n'en pas user en gardant le silence. Le mage en vient donc à entretenir des rapports du même type avec son propre corps : il en fait ce qu'il veut, il le projette sous une forme ou sous une autre, il le fait apparaître ou disparaître, sans que lui-même soit modifié par de semblables transformations. Tel est le sens que revêt, dans la tradition hellénique, le terme de « seminarium » pour le corps magique : compte tenu du fait que celui-ci n'est pas un corps particulier et fixe mais plutôt la potentialité active, le germe d'un nombre infini de corps « projetables », à partir de la substance mentale, par adéquate transformation.

Il ne faut toutefois pas en conclure que le corps magique, étant apparent ( mâyâvî-rûpa ), serait par conséquent irréel . Tout ce qui a été dit jusqu'ici ne se réfère pas eux qualités, physiquement constatables, d'un corps donné et dont la manifestation particulière ne saurait être, à cet égard, qu'identique à celle de n'importe quel autre corps matériel et mortel. Tout ceci se réfère uniquement à la fonction — désormais active et libre alors qu'elle était jusque là passive et nécessaire — selon laquelle l'ensemble de telles qualités est appréhendé par le Moi. Le fait qu'une chose soit réduite en mon pouvoir ne la rend pas pour autant irréelle mais au contraire réelle au plus haut degré. Un corps devenu immatériel et qui, par conséquent, est « apparence » ou « création mentale », signifie simplement un corps dans lequel il n'y a plus rien qui résiste à l'esprit, c'est un acte parfait. La transformation opérée n'est pas matérielle mais substantielle dans le sens que donnait à ce terme la scholastique quand, à propos de l'eucharistie, elle soutenait l'identité et la conservation des attributs sensibles dans l'hostie, en dépit de sa transformation.

Il s'ensuit que le corps magique est invulnérable et immortel — seul restant soumis à l'altération et à la corruption ce qui est composé, ce qui ne dépend pas de moi, ce vis-à-vis de quoi je ne suis pas le conditionnant mais le conditionné. De telle sorte que le seul terme qui lui convienne est celui de vâjra — explicité dans ce même numéro — propre à ce qui est adamantin, incorruptible, fait de puissance et de lumière foudroyante. Le « corps igné » ou « rayonnant » des immortels, chez les néo-platoniciens, a d'ailleurs la même signification et se rapporte à une doctrine analogue.

En définitive, penser à un endroit et à une époque déterminés et être — par une présence réelle, effective — à cet endroit et à cette époque [Note : Pour que cette potentialité soit comprise, il est nécessaire de dépasser la conception linéaire et réaliste du temps dont nous parlerons dans le prochain numéro à propos des phénomènes de voyance.] est une vertu non pas miraculeuse mais naturelle de la part d'un corps qui s'est absorbé dans le mental (ou dont une partie a été absorbée par le mental), de la part d'un corps soutenu uniquement par sa propre image. Il est là où l'esprit est.

Pour être plus précis, on peut noter que le « corps immortel » est appelé « triple corps » et que celui qui le revêt est dit le « Seigneur des trois Mondes ». Sur le plan technique, le point de départ est l'état de « nudité » et d' « individualité » réalisé au travers de la mort initiatique et transféré, depuis les états extra-corporels, à l'état de conscience ordinaire chez le mage.

La première opération consiste alors à dépasser le stade de la conscience qui prend appui sur le cerveau et à s'élever à un rapport direct avec ce dont le monde des pensées, des représentations et même des émotions ne représente qu'un simple reflet édulcoré et fragmentaire. A cette fin, il faut procéder à l' « extraction du mercure » qui est, en premier lieu, la réalisation de l'état « subtil » ou « fluide » faisant office de médiateur entre les deux mondes : celui de l'extériorité lunaire et celui de l'immanence solaire . Grâce à cet état, il est possible de prendre contact avec des forces profondément enfouies dans l'organisme — successivement dans le système sanguin, dans le système glandulaire, dans le système reproductif — et qui ont cette double correspondance : 1) règne animal – règne végétal – règne minéral et 2) état de rêve – état de sommeil – état de mort apparente (cf. l'article d' oso dans le n° 5 de « UR »). Disons, pour rendre plus claire cette correspondance, que les symboles ou « noms » qui s'éveillent (en transformant en supraconsience ce qu'est le rêve pour l'homme commun, par exemple) révèlent, ce faisant, les « archétypes » des différentes espèces animales : à savoir les « êtres » qui règnent sur elles — les individus particuliers n'étant en quelque sorte que les corpuscules de leurs « corps ». Telle est la signification des animaux sacrés ou vivants auxquels il est fait allusion (que l'on fait correspondre, en règle générale, aux douze signes du zodiaque) et que l'initié « épouse, c'est-à-dire possède, apposant par ces « noces » le sceau sur son premier corps. Il en va de même pour les deux autres stades, dont le dernier est celui où agit la force créatrice originelle, ou dragon (celui que le Sepher Yetsira situe « au centre de l'univers, comme un Roi sur son trône »), ou Feu Sacré, Ur , kundalinî . Transmise à d'autres « centres », elle est l'origine de la hiérarchie septenaire (les sept planètes, les sept anges, etc.) et ceci signifie que la résurrection magique s'étend au plan transcendantal, « céleste » — lequel régit les éléments naturels — la rendant absolue.

C'est alors qu'elle s'applique, en premier lieu, au monde des formes et des êtres finis, soumis à la génération et la corruption — c'est-à-dire le monde « causé » ou « naturé » — et, symétriquement, qu'elle fait resplendir le nirmânakâya , le corps magique ou apparent capable de transformations et d'actions appropriées. En second lieu, elle s'applique au monde subtil des « élémentaux », de ce qui et n'a pas de forme, du « son spirituel » et dont l'essence, symétriquement, est faite de la plénitude, de la libre jouissance, de la luminosité du sambhogakâya — l'archétype invisible, purement intellectuel dont émane le nirmânakâya . En troisième lieu, elle s'applique au monde fait d'illumination et de « vacuité » qui, simultanément, est et n'est pas, qui est incontaminé, transcendant et qui, symétriquement, « active » le dharmakâya , le corps suprême fait de loi et de commandement, inconcevable — que l'on appelle aussi svabhâvakâya , à savoir le pur mode de ce qui est en lui-même. [Note : Sur la doctrine mahâyânique du « trikâya » ou triple corps, cf. L. de La Vallée-Poussin , Studies in Buddhist Dogma in «  Journal of the Asiatic Society  », 1906, p. 943 et suivantes ; P. Masson-Oursel , Les Trois Corps du Bouddha , J. Asiat. Mai 1913  ; G.R.S. Mead in The Theosophical Review , v. 39, p. 289 et suivantes et dans The Quest , v. I.]

Ce corps un et triple, c'est le « corps immortel » du « Seigneur des Trois Mondes ».