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This is quite useless » Portrait à la batte
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Portrait à la batte

La voix rouée d’aigus, hypocrite, et par convenance à défaut d’autre chose, lâche par lâcheté, par pure erreur d’être né, il se regardait dans son miroir et se trouvait beau. Personne ne lui avait montré autre chose. Lui-même, lorsqu’il en aurait eu l’occasion, n’avait pas cherché à voir autre chose…

Il faudrait écrire un portrait – à la manière d’Oscar Wilde, avec au moins autant de révolte et de subtilité – de la stupidité sans qualité d’un tel être simplement limité.
À la fin, il n’y aurait pas de poignard – pas de suicide, rien de cette mort par identité – mais ce miroir précisément désapproprié, où les vertiges s’amoncellent et où les toupies de la mémoire qui tournaient dans le vide, s’arrêtent et explosent.

Pas un poignard.
Un portrait à la batte de baseball.

*

« C’est aux autres que je parle. C’est tout d’abord aux Résistants. Est-ce qu’ils ne voient pas qu’ils ont été pris au piège ? Qu’ils se sont crus résistants une fois pour toutes : purs, sauvés. Qu’ils sont tombés plus bas que ceux-là même qu’ils condamnaient ? Non, si fiers de s’être un jour trouvés du bon côté qu’ils en sont tous devenus moralistes. Vercors de nous montre plus de ces gravures de cyniques, où il excellait : il pèse, il soupèse, il surpèse des cas de conscience. Aragon, Eluard ont laissé le panégyrique de l’avortement, du crime et du défaitisme : ils chantent d’une seule voix l’espoir, la joie de vivre, et les familles nombreuses. Sartre met au point, non sans loyaux efforts, une Ethique. Entre temps il a fondé une revue, qui pourchasse au loin l’injustice. On sait qu’il a déjà trouvé sept cents petites pailles dans l’œil de Staline, et douze mille dans l’œil de Truman. Pour Franco, ça ne se compte plus. Il est temps, il est grand temps qu’ils s’occupent de leur poutre.
Puis, il y a des chrétiens, parmi vous. Il y a même des gens qui en vivent, de la Justice et de la Vérité : il y a des rabbins, et des pasteurs et des prêtres. Drôles de prêtres. Drôles de pasteurs. Drôles de rabbins. Qu’est-ce qu’ils attendent pour dire qu’on nous trompe depuis sept ans ! Pour le crier sur les toits.
Mais que faire ? disent-ils. A cela je n’entends rien. Je ne suis pas un politique, ni un juge. Je ne suis pas un prêtre non plus. Tout ce que je vois — mais je le vois bien — c’est que l’horreur et le dégoût nous réveilleront demain, si nous nous bouchons les yeux aujourd’hui. On nous doit un certain arriéré de justice et de droit. Qu’on nous le donne ! Ensuite, qu’on nous tienne, ce doit être possible, au courant.
C’est tout ce que je voulais vous dire. Salut et Fraternité. »

Jean Paulhan, Lettre aux Directeurs de la RÉSISTANCE, Minuit, 1952.